Ma santé, mon capital liberté – Droit à la parole
L’expression, sous toutes ses formes, orale, écrite, corporelle, artistique, représente une part de notre identité. À moins d’être muet, l’expression orale est la plus souvent utilisée pour communiquer, interagir, exister.
Empêcher quelqu’un de s’exprimer, c’est le priver de liberté. C’est à un certain degré, vouloir lui interdire d’exister. Il ne viendrait à l’esprit d’aucune personne sensée de vouloir interdire à quelqu’un d’exister. Sans forcément en être conscients, c’est pourtant ce que nous faisons chaque fois que nous coupons abruptement la parole à notre interlocuteur. En général, ce dernier se défend et reprend aussitôt ses mots. Mais il existe hélas des situations où celui qui est interrompu, se tait, non par résolution mais par impuissance.
Une amie m’a récemment parlé d’un membre de sa famille atteint d’une maladie neuro-dégénérative. Au quotidien, cette personne est sujette à de la raideur, de la lenteur et un manque de coordination dans ses mouvements entre plusieurs autres symptômes. De plus, la maladie a quelque peu perturbé son élocution. Les pensées et idées sont présentes mais les mots peinent à sortir ou sortent de façon saccadée en raison de la perturbation des muscles responsables de l’élocution. Ses interlocuteurs terminent alors ses phrases à sa place, comme s’il en était incapable. Comme si sa condition de santé ne le privait pas déjà de tant de libertés, il faut encore qu’on s’impatiente quand il parle, lui rappelant ainsi son infortune.
La maladie expose, met à nu et dévoile les faiblesses. Quel courage que celui du parent de mon amie, de prendre la parole en public malgré son handicap. Quelle bravoure de sa part que de se battre pour continuer d’exister en dépit des difficultés quotidiennes. Son histoire me fait penser également aux bègues et à tous ceux qui jouissent d’une bonne santé physique, mais éprouvent des problèmes d’élocution. Que ne pourrions-nous montrer un peu plus de patience à leur égard en les laissant s’exprimer sans finir leurs phrases ! Faisons l’effort de ne plus finir une phrase qui ne nous appartient pas. La faiblesse de l’autre ne nous autorise pas à parler à sa place.
En arrachant à l’autre les mots qui lui reviennent, on lui rappelle douloureusement son handicap et sa marge dans la société de vitesse dans laquelle on patauge, qui nous essouffle tous, dont on se plaint mais qu’on perpétue de mille et une façons.
Les personnes invalides, à mobilité réduite, handicapées ou dysfonctionnelles font les choses différemment, mais elles les font tout de même. Ce sont des personnes braves dont nous ne mesurerons jamais les efforts. Ce que nous voyons d’elles ne représente que la pointe de l’iceberg, un bout de leurs défis. Décider de faire des choses en dépit des obstacles, les relie à la vie. Nous pouvons les y aider en respectant leur rythme. Aidons-les à rester vivants.
AJS