Auparavant chenille, en parfaite harmonie dans mon milieu, je m’y promenais paisiblement, de tige et tige ou de feuille en feuille. Je n’avais pas forcément conscience de la transformation que je serais appelée à vivre. Brutale, rapide, violente. Un peu comme le prisonnier du mythe de la caverne de Platon, contre mon gré, je me suis cruellement retrouvée expulsée de ma zone de confort.
Paradigmes bousculés, certitudes ébranlées. Mon monde s’est effondré.
Mais dans ce charivari infernal, me parvient tout de même une voix mélodieuse. Elle ressemble sans s’y méprendre à celle de l’espérance. Celle de l’instinct de survie a un timbre similaire. Alors, je les confonds souvent. Elles empruntent tous les registres possibles. Tantôt soprani, tantôt alti, ces cantatrices m’intiment l’ordre de reprendre le dessus. Ce qu’elles nomment cantilène, je l’appelle acouphène. Alors j’obéis sinon j’y perdrais l’ouïe.
C’est ainsi que, petit à petit, je me suis métamorphosée en chrysalide. La tête vers le bas, un simple fil de soie me retient à une branche. Mais c’est une étape transitoire. Je le sais désormais, tout pourrait à nouveau basculer. Alors je m’y prépare. Prendre mon envol. Ou bien, l’ai-je déjà pris ? Je l’ignore car je n’en ai point conscience. Chrysalide ou papillon, je demeure fragile. Dans un cas comme dans l’autre, un rien peut m’emporter, un phénomène naturel ou un mauvais acte humain. La notion de confort se fait de plus en plus complexe, et la question de sa dialectique se pose à moi.
Transformée, c’est le récit d’un pan de ma vie. D’une épreuve guère consentie mais d’un cheminement salvateur. Un des jalons de cette marche est le lancement de ma carrière d’écrivain. Enfin, je me réalise, telle que je l’ai toujours rêvé. Ce rêve tant de fois caressé ! Pourtant, ce n’est pas ainsi que j’avais pensé intégrer la cour des gens de lettres. Je me voulais romancière. Raconter des histoires sans me contenter d’agencer des mots dans un classicisme banal, insipide et ennuyant.
Jouer avec les mots, conserver leur sens mais les parer autrement. Les habiller d’émotions en tous genres. Habilement les combiner, les inverser, les faire valser et virevolter, puis les déposer. Parfois délicatement, parfois avec fracas. Pour les exhiber dans leurs plus belles expressions. En quelque sorte, une chorégraphie des mots. Et dans ce ballet de lettres collées, insérer quelques maux, afin qu’ils soient moins lourds, moins laids et moins vides de sens. En tirer le plus utile, la crème et non la lie. Livrer sur des pages entières des mots revisités. Et avec eux, saisir des émotions, épurer des sentiments, immortaliser des sensations… Écrivain, pourvoyeuse d’émotions…
Écrivain aussi pour raconter le monde par le prisme de la joie et celui de la grâce. Sans velléité de perfection, sublimer la vie en la montrant telle qu’elle est, belle mais pas facile, à croquer mais aussi à respecter.
Écrivain, pour recevoir les autres… Comme un amphitryon, les régaler de mes mots. Offrir à volonté proses en tous genres. Laisser mariner mes textes dans mes tripes, et de mes valeurs épicer mes écrits. Enfin, saupoudrer le tout avec de l’amour, de la joie et de l’espérance.
Annie-Josiane Sessou
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